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Beño, la rupture !
13 avril 2007

Guerillerito !!

     Beaucoup d'entrte nous aiment à se plonger, le soir venu, dans la lecture d'un bon roman, d'une BD ou encore d'un journal. Le choix est vaste. Actuellement, en ce qui me concerne, je suis pas à pas l'avancée des guerilleros cubains vers La Havane depuis la Sierra Maestra, à l'est de l'île, dans les années 1957-59. Castro, Guevarra et consort sont là, à mes côtés, tous les soirs. Et on avance ensemble vers la capitale, cigare aux lèvres, pour faire tomber ce salopard de Batista et ses sbires. Mais il tient à son trône le bougre !, nous envoyant ses généraux les plus féroces, brûlant ferme et paysans, lançant l'aviation à nos trousses et usant de stratagèmes des plus vicieux. Peu importe ces obstacles et les pertes, nous atteindrons notre but. Comme me le disait encore El Che hier soir : " Hasta la victoria siempre ! ". Bien sûr Che, mais on connait la fin de ton histoire... J'avoue tout de même que c'était une belle aventure, courageuse et légitime. Il n'empêche, moi, tous les matins, et ce depuis quelques jours, je me lève avec une âme de guerillero. Non pas que mon travail soit une guerre quotidienne (quoique avec certains...) mais la condition de nomade que je vis en ce moment dans la montagne me rapproche de ces cubains et pourrait, avec un peu d'imagination et au vu de mes lectures actuelles ressembler à ceci :

     Tout commence vendredi dernier lorsque par téléphone on m'avertit que je dois prendre en charge une nouvelle recrue agée de 14 ans. On me le présente comme courageux, dynamique, volontaire et brave. Rendez vous est pris dans une venta sur les hauteurs du lac d'Ardalès.

     C'est avec derrière lui une vue imprenable sur l'eau verdâtre du lac refletant les montagnes que je découvre le bonhomme. Tongues, serviettes autour de la taille et sweat à capuche, il vient de se baigner. Le vent est frais, l'eau pas mieux. Il me donne froid (plus tard, il me fera suer). Après un bref échange et quelques recommandations de mes deux compañeros, je m'en vais avec mon petit guerillero dans la montagne pour quelques jours pendant lesquels sera évaluée son aptitude à intégrer nos rangs. Si notre cause est encore floue, notre motivation n'en est pas moins grande.

     La mule chargée (ici, une 405 Peugeot), nous prenons la direction d'El Chorro à flanc de montagne alors que le que le soleil décline. Là bas au bord du canyon, nous installerons notre camp pour la nuit. Sur la route, guerillerito (pour des raisons évidentes de discrétion, nous l'appelerons ainsi) me fait part de ses états de service, déjà bien fourni pour son jeune âge. C'est sans aucun doute la raison de sa présence ici !  Je me demande même un moment si l'initiation ne va pas se faire dans le sens inverse. Doucement guerillerito, rien ne sert de courir. A notre arrivée, surprise, le campement est surchargé de monde. On tente une percée vers ce qui sert de bar, sous les eucalyptus, on prend une conso et on cherche des infos. " Completo" qu'on nous dit ! "It's full" nous répète t on encore devant notre mine sans doute un peu ahurie. On avait bien compris madame, merci. Mais comment peuvent-ils refuser d'accueillir deux combattants pour LA cause ? Et qui sont tous ces autres ? Et pour quelle cause ? Nous ne les comprenons pas et réciproquement. Guerillerito s'en tape et mange des frites. Vale ! On abdique pour cette fois en se disant que c'est dans la difficulté que se forgent les grands esprits. Guerillerito regarde, l'oeil brillant, les étrangères passer, un peu de mayonnaise oubliée sur le coin de la bouche. La classe petit guerrier !

     Le soleil est désormais parti éclairé d'autres contrées lointaines. Nous reprenons la mule direction El Torcal. Là c'est certain un campement nous attend, d'après mon jeune Padawan. Effectivement nous sommes accueillis par la sentinelle de nuit qui nous offre son hospitalité. Ca réchauffe le coeur de sentir la population à ses côtés. Sans tarder, nous déplions nos huttes deux secondes et nous couchons, au pied d'une énorme montagne menaçante. Guerillerito colle son entrée de hutte contre un mur. Curieux, je lui en demande la raison. Ruse de Sioux ? Technique de défense ? Rien de tout ça, il ne veut simplement pas être réveillé par le soleil. Sceptique et songeur, je m'endors en pensant au travail restant à faire.

     C'est sous la pluie que se réveille guerillerito le lendemain. Lorsque je met la tête dehors, le ciel ees gris, les montagnes sont belles et mon petit compagnon saute déjà partout. Rien ne sert de sauter, petit. Une brève toilette, un verre de lait et nous montons dans la mule sous la pluie. Nous partons tester les capacités physiques du petit sur un site rocheux d'exception, surgit de nulle part. Je vous passe les détails géologiques dont d'ailleurs guerillerito n'a rien voulu savoir. Le but de la manoeuvre étant de voir comment se dépatouille la recrue dans un milieu hostile et désertique, ou presque. Le résultat s'est avéré excellent, guerillerito me faisant peur à plusieurs reprises, en équilibre à 20 mètres au dessus du sol, me semant aussi parfois parmi les rochers. Il sera utile à la cause dans les montagnes ce petit mais pour l'instant rien ne sert d'aller trop haut guerillerito. Cette épreuve passée haut la main par "Rambo Junior" (surnom qu'il se donne !) nous quittons cet endroit gris et étrange pour des contrées plus vertes et planes qui abritent des loups.

     Supportera t il le regard tueur et affamé du loup d'europe, plus grand loup parmi les loups ? Va t il reculer face à cet animal légendaire ? Courageux ou inconscient, je ne sais pas, c'est sans soucis que mon petit apprenti affronte les yeux de toute la meute allant et venant de l'autre côté de la grille, alors que je frémis de mon côté, en croisant le regard noir et envieux du plus gros de la troupe. Plus tard il affrontera avec ce même regard de loup affamé celui de deux jeunes anglaises qui passait par là. Je frémis à nouveau, pour d'autres raisons, et nous décidons de quitter les lieux avant qu'ait lieu un dérapage certain. Rien ne sert de violer guerillerito. A lui désormais d'utiliser ce regard pour la cause.

     Nous cherchons désormais un campement dans les montagnes, loin de tout et de tout le monde. Nous arrêtons la mule au bord du lac d'Ardalès, autre versant. Installation du camp, guerillerito s'occupe du feu, je contemple le lac. Repas, veillée au près du feu nourri d'écorce d'eucalyptus et de vieilles branches d'oliviers, puis nuit à la belle étoile. Petit bilan avant de tomber de sommeil pendant lequel il me semble que guerillerito ne comprend pas très bien la portée de ce périple démarré quelques jours auparavant par un compañero du côté d'Alméria. Mais tu as encore le temps guerillerito. Nuit tranquille au rythme des avions descandant vers Malaga dans le ciel étoilé. Tard dans la matinée, nous quittons ce bel endroit, malheureusement tâché de déchets laissés par d'autres nomades, qui en veulent à la nature sans doute. Petit homme se met en tête de nettoyer tout le tour du lac, je refuse et l'en dissuade. Pas le temps. Direction El Chorro ou doit nous rejoindre une compañera pour une petite rando bucolique sous le signe de la détente. Nous sommes dimanche. Les envahisseurs de l'autre soir sont désormais partis et ont laissés place vide. Sous les arbres, ou là bas avec la vue sur le canyon ou encore ici à flanc de montagne, il y a de la place partout. Mais c'est près du parking que guerillerito commence à s'installer, pour, dit il, surveiller la mule ! Soit, mais on est seuls petit, personne ne nous prendra cette mule. La proximité des toilettes est son second argument et je capitule en voyant qu'il ne lachera rien. Pourtant, rien ne sert de s'entêter près des toilettes guerillerito. On se prépare quelques bocadillos pour la rando et nous voilà rapidement, à trois désormais, sur la montagne à monter et descendre, sans but précis. Pendant que le jeune homme galope dans les chemins, on dresse un bilan rapide des deux derniers jours, avec ma compañera. S'il y a encore du travail, le chemin pris est le bon, nous pensons. A un endroit, pour passer de l'autre côté de la montagne, il faut longer une voie ferrée en service et traverser un tunnel long d'une centaine de mètres. Ca se fait et guerillerito le sait. Mais un garde ennemi nous en empêche, prétextant des passages fréquents de train ce jour là. Effectivement il nous en passe un juste devant à ce moment là. Guerillerito, frustré, veut tenter une diversion, contourner le garde, escalader un morceau de paroi et traverser en courant. Bonne idée petit ! Dans un autre cadre c'eut été faisable mais non jeune homme, la lutte doit se faire dans le respect des règles adverses. Nous reviendrons plus tard.

     Nous restons deux jours à ce campement, sous la pluie, battante et froide. La montagne est belle aussi par temps gris, les nuages recouvrant les sommets et donnant des couleurs nouvelles au paysage. Ca n'empêche pas guerillerito de faire de l'escalade, dès qu'il le peut, sur un mur prévu à cet effet, à côté d'un bar-refuge au comptoir accueillant. C'est de celui ci que je le regarde grimper sans relâche. Téméraire ce petit. Il négocie même avec le patron une session d'escalade en montagne qui sera annulée deux fois pour cause d'intempéris. Déçus mais pas abattus, nous partons, la mule chargée comme une 405 peugeot, vers Ronda pour une session cyclisme pendant laquelle guerillerito me démontrera son aptitude à percer la foule imprudemment, manquant d'heurter à son passage poussettes, vielles dames ou encore poteaux. A l'aise en ville, il est mis en difficulté dès que ça grimpe un peu. Longiligne et svelte, ma physiologie se prête plus à la montagne que la sienne, petite et trapue. Il se rend compte du chemin à parcourir pour devenir un vrai guerillero et mesure les efforts qui lui restent à faire. Rien ne sert de vouloir grandir trop vite guerillerito.

     Sans doute vexé et colère de ne m'avoir pas mis en échec en vélo, le voilà qui, sur la route nous menant à Casarabonela au refuge dans lequel nous devons passer notre dernière nuit ensemble, se met à balancer tout ce qui lui est à portée de mains. Bouteilles, cailloux ramassés dans la montagne, papiers, cartes routières,... tout y passe. Menaçant de sauter en marche ou de tirer le frein à main dans un virage, guerillerito me montre alors toute sa rancoeur et une nervosité non maitrisée. Ce n'est pas bon pour la cause, que je me dit. Rien ne sert de s'énerver guerillerito.

     Nous arrivons au refuge, warning et anti brouillard actionnés et chauffage à fond. Guerillerito, s'imaginant pouvoir me faire sortir de mes gonds, avait tout au long de la route, et depuis l'incident de la porte appuyé sur tous les boutons du tableau de bord sans que je puisse intervenir. C'est donc une mule clignotante, lumineuse et chaude qui s'arrête devant le refuge.

     Je prépare le feu et le repas pendant que mon petit padawan, toujours un peu colère, se calfeutre dans la mule, empêchant tout regard de l'extérieur. Nous mangeons ensemble, il me présente ses excuses qui, je lui dis, sont dignes d'un serviteur de la cause. Sa nuit dans la mule, la mienne au coin du feu dans le refuge, le tout sous la pluie revenue.

     Le lendemain je confiais guerillerito à une autre compañera pour qu'il puisse continuer son initiation en France quelques jours avant de redescendre en Espagne la semaine prochaine. Si certains d'entre vous passe dans les côtes d'armor dans les prochains jours, attention !, un jeune guerillerito motivé pourrait venir vous enrôler pour la cause. Ses méthodes sont curieuses, méfiez vous ! Je ne peux vous en dire plus.

     Rentrer plus en détails aurait été très long, je n'ai fait ici que résumer quelques jours qui ont été riches en évènements, guerillerito étant sans cesse en activité et assez créatif dans ses conneries ! Néanmoins ce moment passé avec lui fut bien agréable. Je voulais vous le faire partager. Je vous quitte là dessus, je repars au front dans quelques heures. Changement de lieu, changement de guerillerito, changement d'approche.

     Hasta Luego.

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Commentaires
O
bravo doud!!! très bien écrit, je visualise assez bien le retour en voiture.....courage!!
Beño, la rupture !
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Beño, la rupture !
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